Géorgie - DAVID GAREJA : Presque chez les Azeris...

Vendredi 14 juin 2019

Bon ! La journée a connu quelques aléas... Le loueur est pourtant bien venu à l'heure convenue (8h) nous livrer Pajero Io. Mais le trésorier Dago s'est rendu compte qu'il n'avait pas changé suffisamment. Les bureaux n'ouvrent que vers 9h30-10h... Ensuite le chauffeur Dago a eu un coup de pompe !!! Et la route était parmi les pires rencontrées, même si le 4x4 nous a aidés. 

Mais en plein cagnard on approche. Nous sommes entourés de collines verdoyantes. Les paysages sont immenses. Lacs et rivières rythment le chemin. Heureusement, nombre de troupeaux de vaches, de chevaux et de moutons, et autres, nous coupent la route, pour ralentir la "cadence effrénée" de Pajero Io lancé à toute vitesse !

Puis commence une zone aride ! Ces montagnes colorées nous intriguent. Sérieusement, c'est lunaire !

Nous n'en avons pas tout à fait terminé avec les Monastères. Mais en Géorgie, nous allons côtoyer les Chrétiens Orthodoxes et leurs popes (tout comme en Russie). Pour Pajero Io, c'est OK !

Les pères assyriens sont venus en Géorgie au VIe siècle pour répandre et renforcer le christianisme parmi les peuples. Le Père David était l'un de ces pères, qui vivait sur la montagne de Mtatsminda au début. Cependant, après que des non-croyants l'aient accusé d'avoir "fécondé" une femme et après les manifestations de "Me Too", il a déménagé dans le désert avec ses élèves, Dodo et Lukyane. Au début, ils vivaient dans une grotte. Plus tard, ils ont fondé le monastère à cet endroit. 

Le monastère de David Gareja connu comme l’un des berceaux du christianisme en Géorgie présente une architecture souterraine particulière. C’est un magnifique ensemble, mélangeant pierres et structures en bois.
Il est situé dans une vaste vallée désertique du côté géorgien et au pied de la colline formant la frontière avec l’Azerbaïdjan. 




La crête elle-même marque la frontière. Un pas en avant et nous entrons illégalement chez les Azeris. Un pas en arrière et nous retournons dans la légalité. On a une vue spectaculaire à 360°, sur la steppe, sur l’Azerbaïdjan et sur la chaine du Caucase, grandiose ! 

  
Les cloîtres sont creusés dans des roches, et s’étendent sur des centaines de mètres. Le monastère se compose de deux parties : la première, Lavra, la seul habitée aujourd’hui (par des moines pas très commodes !), où se trouve le corps principal et commun du sanctuaire, la seconde, Ubadno, perchée sur la colline sur le versant azerbaïdjanais, divisée en ermitages troglodytes richement décorés de fresques. 

 Pas l'air commode le padre ! Il faut dire que des abrutis sont venus en shorts et sans foulards sur les cheveux... Regardez la Mère Maguy ! Elle a tout l'équipement !

 

 

La laure, tout premier monastère, fut donc fondée par Davit Gareja, l’un des 13 ascètes syriens qui revinrent du Moyen-Orient pour évangéliser la Géorgie au VIe siècle. Le complexe religieux s’agrandit au point que plusieurs monastères finirent par émailler une vaste zone. On traduisait et copiait des manuscrits, et une école de peinture de fresques géorgienne prospéra sur les lieux. 

Les monastères furent détruits par les Mongols en 1265. Le roi Georges V de Géorgie, dit le Brillant, leur redonna vie au début du XIVe siècle, mais ils furent ensuite mis à sac par Tamerlan. Ils connurent le pire, la nuit de Pâques 1615, lorsque les soldats d’Abbas Ier le Grand tuèrent 6 000 moines et détruisirent d’innombrables trésors artistiques. Bien que restés en activité jusqu’à la fin du XIXe siècle, les monastères ne retrouvèrent jamais leur importance d’antan. Sous l’ère soviétique, la zone servit aux manœuvres militaires. Les soudards de l'Union Soviétique avaient établi un poste d'observation dans ce site d'exception. Les monastères furent laissés à l’abandon et vandalisés. Depuis, la laure a été amplement restaurée. Des moines y vivent à nouveau. Enfin l Et malgré tout les fresques demeurent lisibles et relativement bien conservées.

Selon la légende, quiconque voulait vivre et travailler dans ce monastère devait passer un examen très difficile. On lui donnait une hache très forte et cette personne devait découper la grotte dans la falaise et vivre séparément pendant deux ans. Celui qui était assez fort pour vivre dans des conditions si difficiles et continuer à prier tout le temps, pouvait se considérer comme un membre du monastère principal. Cependant, les moines qui ont surmonté ce défi sont restés à leur place et ont fondé leurs propres monastères. Ce monastère est le dernier habité par des moines...
 
L'église, qui se trouve ici, est construite au 9e siècle. Ici sont enterrés le père David et ses deux disciples. Il y a une petite pierre sur la tombe de Saint David. L'original est conservé dans la cathédrale de Sioni à Tbilissi.

Petite anecdote : Au commencement de la route cahoteuse, on passe à côté d’un immense immeuble délabré.. C’est un ancien laboratoire de l’époque soviétique où étaient étudiés les venins de différents serpents du monde entier… A la chute de l’URSS, le bâtiment a été simplement abandonné et sa population venimeuse s’est tranquillement échappée et répandue dans le désert avoisinant, notamment les serpents sauteurs ! On nous a conseillé de crapahuter les jambes couvertes...Nous n’en avons croisé aucun, mais ils sont toujours présents !!! Les petits lézards aussi...

On prend la route de Singhnaghi où on dort ce soir... Et une première constatation : on avait beaucoup, beaucoup entendu parler de la conduite spéciale géorgienne. Eh bien ! C'est plutôt la conduite arménienne qui nous a surpris... On double partout sitôt qu'il y a un "trou" : bas côté de droite, mais aussi bas-côté de gauche, soit en 3e position !!! En dépit de cela, on a peu vu d'accidents, ni même d'accrochages. En Géorgie, les dépassements sont plus "normaux"... Comme en Arménie, c'est Maps.me qui nous a guidés.


 

On avait envie d'en connaître un peu plus sur celui qu'on a évoqué à plusieurs reprises et dont doivent avoir entendu parler ceux qui ont mis un pied en Iran :

Les potins de la commère :

ABBAS 1er

Chah alors !!! Dago est battu !

Profitant de l’anarchie qui gagne l’Iran durant le règne de Muhammad Khudabanda, (1531-1595) – souverain faible, à moitié aveugle – les forces ottomanes pénètrent en Arménie, au Caucase et en Géorgie.

C’est alors qu’un nouvel homme providentiel s’empare du royaume chiite : Abbas Ier, dit le Grand (1571-1629), cinquième de la dynastie, dont la figure "exemplaire" inspirera Montesquieu dans L’Esprit des lois.

Il monte sur le trône en 1588 après avoir poussé son père à lui transmettre le pouvoir et tué ses deux frères (eh oui ! "figure exemplaire !"). En étudiant la période et la vie de Chah Abbas avant son règne, on peut comprendre que sa vie fut dure, ce qui eut un impact certain sur sa personnalité. Quand il vivait à Hérat (région à l’est de l’Iran) en tant que prince safavide, son père, ses frères et lui-même furent condamnés à être assassinés par ordre du troisième roi safavide. La vie de Chah Abbas, alors âgé de deux ans était donc en danger. Ali Quli Khan Shamloo avait été chargé par Chah Ismaïl II de le tuer, mais il a refusé d’assassiner un petit enfant. Finalement, l’assassinat de Chah Abbas avant son avènement sur le trône n’a pas été réalisé, à cause de la mort de Chah Ismaïl II.

En 1589, deux ans après son accession au trône, Abbas Ier, alors âgé de 18 ans, se rase la barbe pour ne laisser que la moustache (et quelle moustache !). Cette révolution pileuse en dit long sur l’indépendance d’esprit du dernier des grands souverains iraniens.

Chah Abbas s’est trouvé confronté à une situation catastrophique au début de son règne. L’indocilité des Qizilbash (disciples de l'ordre soufi chiite des Safavides), l’invasion des Ouzbeks et les attaques des Turcs mettaient en danger la sécurité du pays. Il commence par signer un traité de paix défavorable avec l’ennemi héréditaire ottoman auquel il cède l’ouest de l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Géorgie et une partie du Kurdistan.

Puis Chah Abbas supprime les opposants Qizilbash, Pour cela, il réforme l'armée en incorporant en son sein des Ghulams (esclaves d'origine géorgienne et arménienne) qui deviennent l’élément principal de l’armée iranienne. L'armée devient une force permanente, toujours disponible et fidèle, auprès de laquelle les Qizilbash ne font plus le poids. Grâce à elle, il regagne la plupart des territoires perdus sur les Ouzbeks et les Ottomans. Après la conquête de Bagdad en 1624, l'empire safavide connaît sa plus grande extension territoriale.

Méthodiquement, il reconstitue son armée avec des généraux chrétiens qui lui témoigneront une fidélité à toute épreuve. Plus original encore : il charge deux catholiques anglais, les frères Shirley, d’instruire les troupes «à l’européenne ». En 1602, c’est donc une armée iranienne profondément réformée qui affronte de nouveau le géant ottoman. Le succès est au bout du chemin : deux décennies plus tard, le pays compte 4 millions de kilomètres carrés, soit un million de plus qu’à l’époque d’Ismaïl Ier.

Abbas Ier, prince éclairé, transforme la bourgade d'Ispahan en joyau. Dans la nouvelle capitale fleuriront tous les arts : céramique, tapis, gravure, architecture… Au cours de ses reconquêtes, le monarque victorieux planifie le transfert massif – et parfois brutal – de 30 000 Arméniens vers sa nouvelle capitale, Ispahan. Ardent défenseur de la tolérance religieuse (???), le chah Abbas couvre de bienfaits ces commerçants chrétiens qui, en retour, s’emploient à tisser des liens avec l’Europe. Le rêve du monarque ? Initier avec les puissances de l’Ouest une alliance de revers contre les Ottomans. Si ce plan audacieux ne voit jamais le jour, la Perse, comme on dit en Occident, devient peu à peu une destination à la mode. L’Espagne envoie un ambassadeur dès 1608, suivi par les Portugais, puis les Anglais – celui de France, arrêté par les Ottomans, ne parviendra jamais à bon port.

On doit encore à ce souverain exceptionnel la pacification des campagnes, l’instauration d’un système judiciaire équilibré et les profits d’une éclatante prospérité économique. Mais c’est surtout à l’édification d’Ispahan, où il installe la cour en 1598, que le dernier grand roi d’Iran doit son entrée dans la postérité. Ispahan est au chah Abbas ce que Versailles est au Roi-Soleil : son reflet magnifié. En moins de quarante ans, des mosquées et des palais plus flamboyants les uns que les autres surgissent de cette vieille ville-oasis plantée au beau milieu du désert. Métropole des arts et des sciences, brassant plusieurs centaines de milliers d’âmes de toutes origines et de toutes confessions, celle qui fut la Babylone du XVIIe siècle s’enorgueillit alors d’être «la moitié du monde».

Abbas 1er opère également une réforme religieuse en renforçant la dévotion et la pratique des pèlerinages. D'obédience chiite duodécimaine, la dynastie safavide s'oppose ainsi à ses voisins que sont les Ouzbeks et les Ottomans de confession sunnite. Toutefois, contrairement à la plupart des souverains de son temps, Abbas 1er se distingue par sa tolérance religieuse (???) en laissant par exemple les chrétiens de son empire pratiquer leur culte et même construire des cathédrales.

Cette tolérance (!!!) à l'égard des communautés chrétiennes a l'objectif plus ou moins avoué de s'allier les puissances européennes afin de lutter contre les Ottomans, ses principaux ennemis. Abbas 1er inaugure ainsi une période d'ouverture pour l'Iran dont profite le commerce avec l'Europe et notamment la République de Venise.

Tant de lumière avait tout de même sa part d’ombre : au terme de quarante années de règne flamboyant, l’illustre monarque, gagné par une paranoïa grandissante,  fait assassiner son fils aîné et aveugler les deux autres. La ferveur populaire ne lui en tiendra pas rigueur, sauf peut-être en Kakhétie (Géorgie) !

En 1604 : Abbas Ier déporte des milliers d'Arméniens vers la région d'Ispahan. Son objectif ? Utiliser les talents des artisans arméniens, spécialisés dans le travail de la soie, des peaux et des métaux, pour embellir sa capitale.

Mais c’est surtout en Géorgie, qu’il affiche sa «grande tolérance » ! Les Perses pillent toute la Géorgie. Le palais royal est rasé, les monastères et églises détruits et des villages entiers abandonnés. La nuit de Pâques 1615, les soldats d’Abbas Ier le Grand tuent 6 000 moines et détruisent d’innombrables trésors artistiques. 300.000 Géorgiens sont exilés en Perse et leurs maisons occupées par des Turcs d'Asie Centrale. Les rois géorgiens Teimuraz, Roi de Kakhétie et de Karthli (qui lui non plus n’était pas un saint !!!) et Luarsab cherchèrent refuge auprès du roi Georges III d'Imereti tandis que la famine et la violence régnaient sur leurs royaumes. Le Chah captura la famille de Teimouraz, et la déporta en Iran. Après cinq années d'exil avec leur grand-mère Kéthévane à Shiraz (Perse), les princes Alexandre et Levan (Léon) en furent séparés et castrés. Alexandre en mourut et Levan devint fou sans que Kéthévane ne soit informée de leur sort. Kéthévane était reine de Kakhétie, en Géorgie orientale. Elle était originaire de la lignée royale des Bagration. L’épouse du prince David, héritier du roi Alexandre II de Kakhétie, s’était consacrée à la construction d’églises, de monastères et d’hôpitaux après la mort de son mari. C’est son fils Teimuraz qui devint roi, mais par...  intermittence !

Un peu plus tard, le shah résolut de la convertir à l'islam et de l'épouser. Il lui fit parvenir sa demande le jour même où lui fut annoncé le destin de ses petits-fils. Si elle acceptait, elle connaîtrait les honneurs royaux, sinon elle serait soumise à la torture publique. Elle refusa... Elle demeura en prison tandis que régnait le souverain de l'ethnie géorgienne, l'iman Quli-Khan Undiladze, qui traita la reine avec beaucoup de respect. La reine Kéthévane, mère du roi, qui refusa d'apostasier, fut martyrisée le 12 septembre 1624. Bravo pour la tolérance et l’ouverture d’esprit !!!

Lors du décès de Abbas 1er, survenu à Farad-Abad en 1629, une chaîne humaine longue de 500 km empêcha le cercueil royal de toucher terre jusqu’à Kachan où il fut inhumé. 

«Quand le chah Abbas disparut, en 1629, la Perse cessa de prospérer», dira l’écrivain-voyageur Jean Chardin (1643-1713). Le mot est sans doute un peu excessif. Si aucun des successeurs séfévides n’égalera la magnificence d’Abbas le Grand, l’Iran continuera d’attirer un flot continu d’étrangers, tels les Français Jean-Baptiste Tavernier (1632-1688), dont les six voyages fourniront la matière première des Lettres persanes de Montesquieu, ou Jean Chardin lui-même qui se lancera dans le commerce du diamant auprès d’Abbas II. Sans parler du grand-oncle de Jean-Jacques Rousseau, un certain Jacques Rousseau, horloger genevois de son état, qui vivra un demi-siècle à Ispahan. Il fut témoin de la débâcle de l’été 1722 où, assiégée par les troupes de l’Afghan Mahmoud Khan, la population de la plus belle cité du monde en fut réduite à manger des chats, des chiens et peut-être même de la chair humaine. Après la reddition de la ville, à l’automne 1722, la prestigieuse lignée séfévide sombre dans l’abîme. Elle aura régné plus de deux siècles.

Abbas 1er fut contemporain pour la France de Henri IV et de Louis XIII au début de son règne, pour l'Angleterre de Elizabeth 1ère et pour l'Espagne de Philippe II (fils de Charles Quint).

 La preuve par l'image !

A suivre :

Géorgie - SIGHNAGHI : Ville de l'Amour !!!